diocèse de Luçon

REPORTAGE
Ordination Mgr Jean Bondu

Dans une société marquée par l’individualisme, les lieux où se vivent concrètement la fraternité et le service du frère sont comme des oasis pour les personnes en situation de fragilité. En Vendée, ils ne manquent pas et permettent à chaque personne accueillie de se ressourcer, de trouver de la bienveillance et une attention nécessaire pour restaurer la dignité des enfants de Dieu.

Le service du frère concerne tous les baptisés, car c’est le Christ lui-même qui nous appelle à vivre cette attention dans l’Evangile : « Ce que vous faites aux plus petits, c’est à moi que vous le faites ». Pour manifester cette proximité avec ceux et celles qui sont en situation de fragilité, humaine ou spirituelle, et vivre ainsi ce que la doctrine sociale de l’Eglise appelle « l’option préférentielle pour les pauvres », Mgr Jacolin a souhaité qu’un lieu dans le diocèse soit destiné à la diaconie : c’est ainsi que la Maison Beth’Anaïa, ou ‘Maison du frère’, au coeur de la maison du diocèse, a vu le jour en 2019, avec une équipe dédiée à la diaconie, menée par Hélène Camiade, responsable à l’époque. Depuis, la maison est devenue « la maison de tous, de toutes nos fragilités, un lieu d’accueil, d’écoute, de convivialité où à certains moments se vivent des temps de réflexion, de partage, des temps forts, des temps d’amitié, d’entraide », selon les mots de l’évêque de Luçon.

Avec les beaux jours, le jardin qui jouxte Beth’Anaïa voit ainsi plusieurs fois par semaine des habitués venir prendre un café, s’asseoir quelques minutes, profitant d’un peu de tranquillité, au milieu d’un quotidien compliqué. Les lundis, mercredis, et vendredis après-midi, de 14 h à 17 h, la maison ne désemplit pas. Les uns jouent aux cartes, les autres participent aux activités manuelles organisées par l’équipe de la dizaine de bénévoles ou prennent un temps de repos dans un canapé. Les profils et les âges varient : il y a des habitués qui viennent à chaque fois, et ceux qui découvrent le lieu, dont on leur a parlé dans la rue ou dans un centre d’accueil…. Beaucoup de personnes sont sans abri, d’autres sont marqués par des problèmes psychologiques. Au total, une centaine de personnes fréquente chaque semaine la maison. La crise du Covid a encore plus fragilisé notre société, et les personnes en situation de précarité sont les premières concernées par la crise économique que connaît la France depuis des mois. La solitude frappe aussi les plus fragiles. Paul, un habitué qui habite rue Joffre, vient à Beth’Anaïa pour « rencontrer des gens, parler et jouer à des jeux de société. J’aime venir là car c’est un lieu de rencontre, un lieu d’amitié », raconte cet homme. Assis non loin, Milie explique qu’elle connaît bien le lieu car elle le fréquente depuis l’ouverture. Cette femme discrète témoigne : « Ici, quand on est seul au quotidien, on rencontre des gens chaleureux et très sympathiques. Les bénévoles sont toujours souriants, dévoués et respectueux, ils savent nous mettre à l’aise. Quand je viens là, j’oublie les difficultés, car on dépose tous nos soucis à la porte… ».

Créer du lien

L’équipe de bénévoles ne ménage pas sa peine, chaque après-midi d’accueil, pour être une oreille attentive. Marie-Claire, ancienne responsable de l’Action catholique des femmes dans le diocèse, a souhaité poursuivre son engagement dans l’Eglise à Beth’Anaïa. Cet après-midi-là, elle joue au Backgammon avec trois personnes, et plaisante avec elles. « Je souhaitais me rendre disponible aux personnes qui vivent des difficultés, au plus près de ceux qui vivent la solitude, à l’écoute de ces personnes. Vivre en fraternité, car nous sommes tous frères, c’est cela le plus important. On reçoit beaucoup plus que l’on donne ici. Il se vit tellement de belles choses ici ! », confie-t-elle. « Une fois que l’après-midi est terminé, on a l’impression de ne pas avoir fait assez, tellement les besoins sont grands… ». Les après-midis se suivent mais ne se ressemblent pas toujours : parfois, le calme est remplacé par des moments plus agités, où les bénévoles sont alors chargés d’intervenir, la présence des hommes au sein de l’équipe étant alors précieuse. Maryse, bénévole, vient d’Aubigny chaque semaine. Elle organise, avec Lilit, une jeune bénévole, des activités manuelles pour les personnes accueillies : bricolage, fabrication d’objets avec du matériel récupéré… « Je me sens utile ici. J’aime parler avec les gens, les accueillir : tout cela créé du lien, dont nous avons tant besoin ».

La mission des bénévoles de Beth’Anaïa est assurée en collaboration avec Catherine Heurtebise, directrice de la maison du diocèse, et Anita Roy, responsable de la diaconie. La maison est aussi en lien avec les différents services de la ville de La Roche sur Yon et du département de la Vendée, les maraudes, le Samu social et la Banque alimentaire qui fournit des viennoiseries le vendredi, les bénévoles se chargeant de l’achat du café, lait et sucre. Chaque vendredi également, une permanence est assurée par les bénévoles de Saint Vincent de Paul pour les demandes administratives. « Souvent, les gens accueillis ont besoin de renseignements, alors nous sommes là pour les aiguiller », précise Marie-Claire.

Ici, la foi est vécue de manière concrète, mais non ostentatoire. « Je ne suis pas là pour dire ma foi mais bien pour la vivre », estime une bénévole. Des propositions spirituelles sont faites régulièrement, comme la participation au Chemin de Croix à la maison du diocèse le Vendredi Saint, ou encore le pèlerinage diocésain à Lourdes l’été dernier avec un petit groupe de personnes migrantes, et Jean-Paul et Geneviève Caquineau, bénévoles réguliers. « Ce fut vraiment un moment fort pour tous », raconte Evelyne. Pour Marie-Claire, il s’agit de mettre en pratique cette invitation du pape François dans ‘Fratelli Tutti’ : « L’amour nous permet de construire une grande famille où nous pouvons tous nous sentir chez nous. Notre existence à tous est liée à celle des autres. La vie n’est pas un temps qui s’écoule mais un temps de rencontre. Nous avons tous quelque chose d’un homme blessé, d’un brigand, quelque chose de ceux qui passent outre et quelque chose du Bon Samaritain ».