Diocèse de Luçon

TROIS Questions

Au chevet du liban meurtri

Au chevet du Liban

L’abbé Renaud Bertrand, délégué diocésain et provincial de l’Œuvre d’Orient, vient de rentrer du Liban, où il a passé une semaine, du 17 au 24 septembre dernier.

Malgré une situation économique catastrophique, il témoigne des lueurs d’espérance au pays du Cèdre.

 

1 / Quelle est la situation économique et sociale que vous avez constatée au Liban ? 

Il y a d’abord un effondrement total au niveau économique, qui se voit à plusieurs niveaux : le pays fait face à une pénurie d’essence, avec des prix qui augmentent de manière considérable. Ainsi, pour avoir dix litres d’essence, les gens doivent faire la queue pendant plusieurs heures. Cela crée des difficultés de circulation, des files d’attente énormes… En outre, les problèmes d’électricité sont nombreux : il y a actuellement, selon les régions, entre une et deux heures d’électricité par jour. Il y a certes des générateurs qui nécessitent du fuel. La crise économique s’avère catastrophique car il y a une très grande dévaluation de la livre libanaise. Ainsi, lors de mon précédent séjour dans le pays fin 2019, un dollar valait 1 500 livres libanaises, aujourd’hui, il en vaut entre 15 et 20 mille. Pour autant, les salaires n’augmentent pas ! Ceux qui avaient un salaire de mille dollars se retrouvent maintenant avec un salaire de cent dollars. Le salaire moyen est de 50 dollars. Tous les prix ont augmenté. Actuellement, 80 % des Libanais vivent en-dessous du seuil de pauvreté (le pays compte 6,8 millions d’habitants, dont un tiers de réfugiés syriens et palestiniens), et il y a 60 % de taux de chômage. Autour de Beyrouth, la crise s’accentue depuis l’explosion du port, le 4 août 2020.

    Prière du Liban
    Soeur-Laurence-Obeid-des-filles-de-la-charité-à-Beyrouth

    Soeur Laurence Obeid, provinciale des Filles de la Charité, sur le toit du collège de l’Immaculée Conception devant le port de Beyrouth. L’établissement a été en partie soufflé lors de l’explosion du 4 août 2020, et une soeur y est décédée.

     

    2/ Quels signes d’espérance au sein de la population chrétienne avez-vous vu malgrés ces difficultés ? 

    Leur situation est vraiment difficile. L’explosion du port de Beyrouth a ainsi touché 95% des chrétiens de la ville. Je me suis rendu notamment dans la paroisse Sainte Takla, où vivent 600 familles pauvres. Dans une famille rencontrée, il y a deux parents, la grand-mère et deux enfants qui vivent ensemble. Ils n’ont que 30 dollars par mois pour se nourrir. Avec les dons apportés de France, j’ai pu leur donner 100 euros, ce qui correspond à trois mois de salaire. Il faut savoir que je suis parti au Liban avec deux valises de médicaments, des livres de théologie, des tablettes de chocolat et des dons en espèce. Tout cela s’est révélé précieux pour les gens que j’ai rencontrés, car le moindre don compte ! Beaucoup de paroisses s’organisent pour distribuer des repas chauds, des colis aux familles dans le besoin. Les écoles aussi le font, en distribuant des colis ou des médicaments. J’ai rencontré des personnes croyantes qui ont vraiment la foi et qui vivent très bien, mais qui perdent peu à peu l’espérance et veulent venir en France. D’autres, au contraire, veulent garder vive cette espérance. Ils estiment qu’ils ont la mission de rester dans ce pays, le pape Jean-Paul II leur ayant dit que « le Liban est un message », qu’ils doivent rester sur cette terre. Mais c’est dur. Je pense par exemple à ce père de famille, qui a vécu la guerre, et qui a peur maintenant pour ses enfants. Les Libanais sont un peuple très croyant, la grande majorité s’accroche, portant sa Croix à la suite du Christ. Il y avait ainsi il y a quelques jours un grand pèlerinage de prière pour le Liban, de Byblos jusqu’au sanctuaire de Saint Charbel, à Annaya. Beaucoup d’initiatives vont dans ce sens, aussi bien au niveau caritatif que spirituel. J’ai également remis à des prêtres sur place des reliques de Sainte Thérèse et des Saints Louis et Zélie Martin, qui m’avaient été confiées par le recteur du sanctuaire de Lisieux. Ils ont été très touchés, voyant cela comme un beau signe d’espérance. Au Liban, comme dans tout le Moyen-Orient, la présence des Chrétiens est essentielle pour la paix. Il faudra des années pour que le Liban se relève mais il y a déjà des petites initiatives locales.

      Distribution de médicaments à Beyrouth par le père Renaud Bertrand

      Distribution de médicaments.

       

      3/ Comment concrètement aider les libanais ? 

      Il y a plusieurs manières d’apporter notre soutien. Un premier moyen de les aider est bien sûr de prier pour eux, comme nous y invitent régulièrement l’Eglise et particulièrement l’Œuvre d’Orient. Je propose cette prière préparée par le sanctuaire de Lisieux, par exemple à l’occasion de la fête de Sainte Thérèse le 1er octobre (photo ci-contre). Un autre moyen est aussi de soutenir les écoles, car l’éducation est prioritaire. L’Œuvre d’Orient a ainsi créé un système de parrainage pour payer la scolarité d’un enfant chaque mois. Plusieurs familles vendéennes l’ont déjà fait, et je ne peux qu’encourager cette démarche. Dans les écoles chrétiennes tenues par des congrégations religieuses, des valeurs humaines importantes sont enseignées aux enfants. Par exemple à Tripoli, la ville la plus pauvre du Moyen-Orient actuellement, à majorité musulmane, il y a une école chrétienne, qui se situe entre le quartier sunnite et le quartier alaouite. C’est une école très importante au sein d’une population musulmane. Les élèves des écoles chrétiennes francophones reçoivent des valeurs qui les empêchent de tomber dans le piège de la radicalisation.

      L’Œuvre d’Orient Depuis plus de 160 ans, l’Œuvre d’Orient est engagée auprès des chrétiens d’Orient dans 23 pays au Moyen-Orient, dans la Corne de l’Afrique, en Europe Orientale et en Inde. En temps de guerre comme de paix, elle soutient l’action des évêques, des prêtres et des communautés religieuses qui interviennent auprès de tous, sans considération d’appartenance religieuse.

      L’association a quatre domaines d’intervention : l’éducation, les soins et l’aide sociale, l’action auprès des communautés et la préservation de la culture et du patrimoine. Pour faire un don ou avoir plus d’informations, consulter le site https://œuvre-orient. fr ou contacter le Père Renaud Bertrand : renaud. bertrand@diocese85.org